Je m'intéresse principalement à la modélisation des étapes précoces de l'infection virale au niveau cellulaire. 

Introduction

L'entrée du virus dans une cellule est un mécanisme complexe qui commence par l'attachement du virus à des récepteurs spécifiques à la surface de la cellule pour finir quand le virus délivre son ADN dans le noyau au travers d'un pore nucléaire. En particulier, la plupart des virus sont endocytés dans des endosomes pour être plus tard relâchés dans le cytoplasme. Leur mouvement alterne alors entre diffusion libre et transport actif le long des microtubules jusqu'à atteindre un pore nucléaire. L'étape endosomale et le déplacement libre dans le cytoplasme limitent particulièrement le transfert de gènes dans le noyau des cellules en thérapie génique et la capacité des virus à délivrer leur ADN avec succès indique que ceux-ci ont développé au cours de l'évolution des outils moléculaires efficaces pour franchir ces deux étapes précoces de l'infection. Pour mieux comprendre les mécanismes sous-jacents à l'efficacité virale, nous construisons des modèles stochastiques à l'échelle moléculaire pour estimer le temps moyen d'échappée de l'endosome et la probabilité qu'un virus relâché dans le cytoplasme atteigne un pore nucléaire avant d'être dégradé, en fonction de la géométrie cellulaire et des paramètres structuraux et dynamiques du virus. 

L' Échappée Endosomale des Virus 

L'échappée endosomale est provoquée par le changement de conformation pH-dépendant de protéines actives à la surface du virus et nous avons donc développé, dans un premier temps, un modèle Markovien à sauts afin d'étudier la cinétique de ce changement de conformation à pH donné. Notre modèle théorique permet d'interpoler les cinétiques mesurées expérimentalement pour l'hémagglutinine de la grippe à différents pH. Dans un second temps, modélisant l'entrée des protons dans le cytoplasme par un processus de Poisson, nous avons calculé la moyenne et la variance du temps de l'échappée endosomale. En particulier, nous avons calculé que le temps moyen de l'échappée du virus adéno-associé, un virus très utilisé en thérapie génique, est de 20 minutes, indiquant que le virus s'échappe depuis l'endosome tardif. 

Les Trajectoires Virales dans le Cytoplasme et les Problèmes d' "Échappée Belle" 

Afin d'obtenir des résultats asymptotiques généraux concernant le mouvement libre du virus dans le cytoplasme, nous modélisons la dynamique intermittente du virus par une équation continue de Langevin pour la vitesse contenant à la fois un terme de diffusion et un terme de dérive prenant en compte les périodes de transport actif le long des microtubules, et nous présentons une procédure générale pour calibrer ce terme de dérive en fonction de l'organisation du réseau de microtubules, de la constante de diffusion du virus dans le cytoplasme et de la constante d'affinité entre le virus et les microtubules. Grâce à cette description continue de la vitesse du virus, calculer la probabilité et le temps moyen de premier passage du virus à un petit pore nucléaire devient un problème d' "échappée belle". En particulier, du fait que les noyaux des cellules sont recouverts d'un grand nombre de pores nucléaires, nous étendons certains résultats asymptotiques de la théorie de l' "échappée belle" afin de mesurer l'impact de l'intéraction entre les différents pores sur la probabilité et le temps moyen de premier passage du virus à un pore. Utilisant des données expérimentales, nous avons calculé que le temps moyen de premier passage du virus adéno-associé à un pore nucléaire est d'environ 3 minutes, ce qui est en accord avec les observations in vivo, et que la probabilité que celui-ci atteigne le pore nucléaire avant d'être dégradé est d'environ 95%, ce qui confirme l'efficacité du virus à délivrer son ADN au noyau.